Avant de parler de l’Immaculée Conception rappelons qu’il existe, dès le début du gothique, des multitudes de
représentations de la Vierge Marie qui écrase le serpent conformément aux textes bibliques (même si dans
Genèse 3.15, le conflit entre le serpent et la Femme est élargi à leurs descendances).
Iconographie de l'Immaculée Conception
Nous formulerons deux remarques liminaires à propos de la figuration de l’Immaculée Conception:
il est difficile de représenter quelque chose qui n’existe pas (à savoir le Péché originel) et les images peuvent
figurer des récits mais non un dogme.
Et, cependant, quiconque regarde une image peut « y » voir une figuration de l’Immaculée Conception bien que
la conception du petit d’homme se passe, en général, à l’intérieur du corps maternel et donc à l’abri du regard.
Les journées à l’INHA le 1er et 2 octobre 2009 nous ont aidé, ici aussi, à problématiser la question et l’on pourra
lire les comptes-rendus en suivant le lien ci-dessos et même à visionner les débats en suivant cet autre lien.
La première figuration de l’Immaculée Conception passe par la Rencontre à la Porte dorée :
Anne et Joachim sont âgés et connaissent une vie aisée; mais leur union n’a pas été conclue par la naissance
d’un enfant et des vitraux relatent comment leurs offrandes ont été refusées au temple parce que Dieu n’avait pas
béni leur union par une descendance.
A la suite de cette blessure, Joachim s’est enfui avec ses troupeaux et Anne est restée «veuve», sans nouvelle
chez elle.
Et voilà qu’un ange a annoncé à l’un et à l’autre soit qu’Anne était déjà enceinte des œuvres de Joachim soit
qu’un enfant allait leur venir et l’ange leur enjoint d’aller se retrouver à la Porte dorée.
La scène est représentée dans une miniature du Speculum Humanae Salvationis mais aussi par Giotto dans sa
fresque à la chapelle des Scrovegni à Padoue vers 1305.
Pour faire court, selon les maculistes, la Jonction des Mains (Junctio Manuum) est le signe du mariage qui, pour
être un sacrement, doit être consommé et le rapport sexuel, et la concupiscence qui lui est attachée, introduit le
péché originel. Marie aurait été sanctifiée ultérieurement, soit in utero, soit lors de l’Annonciation.
Mais les immaculistes soit considèrent que Marie a été conçue à un temps antérieur au péché originel, soit que la
conception se fait par le souffle d’un baiser fécondant.
Le tableau plus tardif de Matteo da Gualdo, Rencontre à la Porte Dorée, de 1495 à la Pinacothèque municipale
de Nocera Umbra montre ce baiser qui fait advenir la Vierge dans le ciel.
La lecture des images de la Rencontre à la Porte dorée n’est pas univoque comme le montre le tableau du
Louvre (peint vers 1500) de Nicolas Dipre pour la Confrérie de la Conception de la Vierge à la Cathédrale
Saint-Siffrein de Carpentras.
Les autres figurations de l‘Immaculée Conception ne sont compréhensibles dans ce sens que grâce à des
textes, soit en en phylactère, soit en tituli soit, enfin, parce qu’ils sont la « signature » ou « l’emblème »
d’argumentaires, d’hymnes ou de prières en faveur de l’Immaculée Conception.
Le plus connu, sinon le premier, est le tableau de Carlo Crivelli de la National Gallery à Londres vers 1490 où le
phylactère indique que la conception a été faite dès le début « ab initio ».
Mais la représentation la plus fréquente est celle de la « mulier amicta sole », la femme vêtue de soleil de
l’Apocalypse (XII 1-7).
Il a fallu un certain temps pour que les théologiens acceptent de reconnaître Marie dans cette femme enceinte
poursuivie par un dragon et pourvue d’ailes par un ange pour pouvoir fuir dans le désert: l’Apocalypse parle
des douleurs de l’enfantement alors que les Évangiles parlent d’une naissance sans douleur de Marie pour le
Christ.
Elle est représentée ici dans l’église Saint-Martin de Grandville dans l’Aube (baie 5)
Quoiqu’il en soit, on a reconnu dans cette Vierge (avec ou sans l’Enfant), debout sur un croissant de lune,
nimbée de soleil et avec douze étoiles autour de la tête l’Immaculée Conception: la vision de cette image
accompagnée de prières conduisait à une indulgence plénière selon Sixte IV et cette image accompagnait les
écrits des humanistes immaculistes comme Jacques Wimpheling ou Sébastien Brant.
Grâce à Maurice Vloberg, nous avons trouvé deux représenations de l’Immaculée Conception » issues des
Chants royaux du Puy de Palinods de Rouen (le texte confirme si besoin l’Immaculée Conception) datées de
1518 à 1526 qui écrasent le serpent (pour celle en noir et blanc) et la mort et le serpent pour celle en couleur.
Elles sont issues de manuscrits numérisés à la Bibliothèque nationale de France
Plaus tard, au XVIIème siècle, Bartolomé Murillo et Francisco Zurbaran ont réalisé des tableaux célèbres à ce
sujet et encore bien d’autres comme, en Italie, Guido Reni.
Une phrase tirée du Cantique des Cantiques dite par Salomon à Sulamite qui commence en latin par « Tota
pulchra es amica mea et macula non est in te», ce qui se traduit en français par « Tu es toute belle, mon amie, et
en toi il n’y a point de défaut » est devenue une prière dédiée à la Vierge Marie « Tu es toute belle, Marie, et la
faute originelle n'est point en toi » et a servi aussi à la figuration de l’Immaculée Conception: cette prière fut mise
en musique notamment par André Campra ou par Anton Bruckner.
Bien sûr, l’image située à côté de la prière oriente vers son sens.
Ici, un tableau de Joan Sarinyena aux environs de 1600 du Museu de Belles Arts de València avec la mention
« Pulchra »
Je rajoute, pour le plaisir des yeux, une miniature extraite de la bible d’Étienne Harding (1060 – 1134), conservée
à la Bibliothèque municipale de Dijon qui n’est, en aucune façon, immaculiste.
Le tableau de Joan Sarinyena pourrait aussi servir d’illustration à une autre figuration « Les Litanies de la Vierge ».
En fait, on retrouve, à la fois, sous ce vocable des vierges du Rosaire (dominicaines qui ne peuvent pas être «
Immaculée Conception » mais des hommages à la virginité) et, au cours et à la fin du XVIème siècle,
d’authentiques « Immaculée Conception » ce sur quoi nous reviendrons.
Enfin, deux autres représentations possibles de l’Immaculée Conception sont la vierge dans le l’utérus d’Anne et
l’Arbre de Jessé. Là aussi le contexte indique le sens de l’image.
Les arbres de Jessé sont innombrables sur les vitraux du sud champenois : Émile Mâle considère que lorsque la
vierge y prend l’aspect de la « mulier amicta sole » elle fait référence à l’Immaculée Conception; ici on la voit, sur
la baie 1 de l’église Saint-Martin de Rigny-le-Ferron dans l’Aube
La vierge in utero se retrouve sur des miniatures médiévales comme des livres d’heures (dont j’ai perdu la
localisation).
Enfin, les «Immaculée Conception rédemptrices»:
ce sont des « Marie – Nouvelle Ève » selon Marianne Lora.
Dans un tableau de 1518, Guillaume de Marcillat (d’origine française, peintre et maître-verrier) représente
«La Dispute en présence d’Ève » où des saints et des Pères de l’Église disputent (opposent leurs arguments) à
propos de l’Immaculée Conception devant une scène de la Tentation.
En 1521, Luca Signorelli réalise un retable pour l’Immaculée Conception destinée à l’église de Cortone où le lien
entre la Vierge rédemptrice et la Faute est évident.
Pour clore cette présentation qui n’éclaire guère le sujet, j’indiquerai que Jean Wirth estime que les représentations
où l’Enfant Jésus est absent orienteraient plutôt vers une « Immaculée Conception » même si les exemples ci-
dessus montrent aussi que l’Enfant Jésus peut y être présent.
Pour revenir cers notre sujet, nous allons rechercher les «Immaculée Conception» sur les vitraux
du Sud Champenois