Paul Biver, dans son ouvrage «L’école troyenne de peinture sur verre» a mis à jour les multiples ressemblances
entre les différents vitraux, dues à l’utilisation répétée des mêmes cartons.
Outre sa démonstration, sa finesse d’observation et ses capacités de mémorisation à une époque où les
techniques photographiques étaient réduites émerveillent.
Cependant, derrière la répétition des cartons, il nous est apparu que les vitraux ne racontaient pas des histoires
identiques et notre voyage a débuté avec le vitrail de la «Genèse» de l’église Saint-Georges de Chavanges que
Paul Biver décrit comme «mystique» et qui nous a étonné sur plusieurs points.
Comme nous avons fait un peu de route dans l’Aube, la Marne, la Haute-Marne et l’Yonne nous pouvons
proposer un inventaire assez complet des églises de ces quatre départements qui possèdent des vitraux de la
«Genèse» soit en baies «complètes» soit en fragments: on pourra y accéder en suivant le lien
Quelques particularités des vitraux
de
la Genèse
dans
le Sud champenois
L’examen des vitraux de ces édifices religieux nous conduit à tenter de les regrouper en fonction des «histoires»
qu’ils racontent. Nous avons trouvé, de façon assez primaire, 4 groupes de vitraux.
Un premier groupe ne dispose que de fragments très réduits même s’ils peuvent être splendides.
Un deuxième groupe que nous appellerons vétérotestamentaire raconte la Genèse telle qu’elle est relatée dans
l’Ancien Testament sans y apporter, tout au moins sur le vitrail, d’éléments supplémentaires. Il peut arriver que l’on y
trouve (comme à Aulnay) une figure hagiographique mais il s’agit alors d’un bouche-trou.
Un troisième groupe associe des scènes de la Genèse à des scènes du Nouveau Testament. La référence au Christ,
en tant qu’il est, par son Sacrifice, celui qui a racheté la Faute est claire et sans équivoque. L’Incarnation y est ausi
rappelée.
Enfin, on trouve quelques églises où la Genèse est orientée vers le culte marial: La référence au Christ est souvent
quasiment absente (sinon dans l’Annonciation et encore peut-on en retenir l’acquiescement de la Vierge autant que
l’Incarnation), on y trouve une Vierge (souvent appelée «Rédemptrice») debout seule en train d’écraser le serpent
(parfois déjà l’objet de la Malédiction divine par ailleurs). Sur le vitrail on peut aussi distinguer une scène étrange où
la Vierge Marie détient les clefs du Paradis et y accueille un pape, un évêque, un moine et des laïcs. Enfin, ces
églises (parfois dédiées à l’Assomption de la Vierge) comprennent d’autres scènes spécifiques de la vie de la Vierge
comme «La vie et les miracles de la Vierge» ou bien «L’Annonce des anges à Joachim, la rencontre à la Porte dorée
et la naissance de la Vierge»
Une église dispose d’une baie entière (Saint-Remi à Ceffonds) et une autre église (celle de Chavanges) d’une baie
pour partie cachée derrière un autel. Pour les autres, il faut reconstituer le décor vitré ou bien il ne subsiste que le
tympan ou un fragment.
Baie 4
La Création et la Rédemption
Église Saint-Remi
de
Ceffonds
Haute-Marne
Le vitrail de la Genèse à Ceffonds semble d’une grande banalité.
On y retrouve la création d’Adam, puis d’Ève, l’Admonition divine, la Faute, la Malédiction du serpent et l’Expulsion
du paradis: voici pour la Genèse.
Mais une Vierge (sans l’Enfant) est adorée par 2 anges et elle écrase le serpent: le bandeau confirme les faits
«Grande victoire eut notre dame sur le serpent».
En-dessous, les 2 registres constituent une seule scène où, à côté des donateurs, on voit un pape derrière la porte
du paradis et en dehors du paradis la Vierge, sur un nuage, qui tient une clef et accueille des chrétiens, un pape,
un évêque, un moine, un empereur et des rois. Le bandeau indique «Incontinent par eux fut la porte fermée, car ni
nentrait mes marie la recouvrée»
Une interprétation peut-être simpliste verrait dans la Vierge une Rédemptrice d’autant plus que la référence au
Christ n’est pas évidente.
Baie 8
La Création et la Rédemption
Église Saint-Georges
de
Chavanges
Aube
Le vitrail de la Genèse à Chavanges ressemble à celui de Ceffonds
Mais on n’y retrouve pas la Vierge qui écrase le serpent. La scène des clefs du paradis comporte des anges
derrière la porte et les protagonistes sont les mêmes; le bandeau indique «Et par Marie paradis est recouverte et
la barrière de paradis ouverte»
On trouve le monogramme du Christ «IHS» et celui de la Vierge au sommet des lancettes.
Le tympan comporte une scène d’Annonciation: annonce-t-elle la venue du Sauveur ou bien doit-on retenir
l’acquiescement de la Vierge qui vient en contrepoint du bavardage d’Ève avec Lucifer grimé en femme?
Les églises suivantes nécessitent une reconstruction.
Baie 1
La Genèse
Baie 2
Église Saint-Parre
de
Saint-Parres-aux-Tertres
Aube
C’est le cas à Saint-Parres-aux-Tertres où l’on trouve d’un part le vitrail de la Genèse avec, au tympan, la
naissance de la Vierge et d’autre part, Anne et Joachim avec l’annonce par les anges et leur rencontre à la
Porte dorée surmontée de cette Vierge que nous avons déjà vue à Ceffonds.
Il apparaît tout à fait légitime d’intervertir le contenu des tympans des 2 vitraux (dont les remplages sont
identiques), de placer ainsi la naissance de la Vierge au-dessus d’Anne et Joachim et la Vierge rédemprtice au-
dessus de la Genèse ce qui en fait une autre «Genèse et Rédemption».
Une manœuvre similaire doit être réalisée à l’église Saint-Germain de Saint-Germain: Paul Biver la propose
pour ce qu’il appelle l’église de Saint-Germain de Linçon
Baie 8
Ce qui reste de la Genèse
Baie 1
Saint-Germain l’Auxerrois
Église Saint-Germain
de
Saint-Germain
Aube
La baie 8 ne comprend que les têtes de 3 lancettes avec la Malédiction du serpent, une Vierge rédemptrice et
une Réprimande divine.
Mais Paul Biver propose de rajouter la lancette gauche du registre supérieur de la baie 1 où il voit la partie
gauche de la scène de la Vierge qui accueille les chrétiens au paradis que nous avons vue à Chavanges et à
Ceffonds.
Une autre reconstruction doit être réalisée à Chessy-les-Prés.
Baie 7
La Genèse
Baie 3
Baie 1
Baie 2
Église Notre-Dame-de-l’Assomption
de
Chessy-les-Prés
Aube
L’église Notre-Dame de l’Assomption est dédiée au culte marial puisque, hormis une baie consacrée à saint
Georges, tous les vitraux marquent la dévotion à la Vierge.
Sur la baie 7, on retrouve la partie gauche de la scène où la Vierge tient les clefs du paradis.
Une baie représentait sainte Anne et Joachim et la seule baie, actuellement presque intacte, figure la vie et
les miracles de la Vierge.
Nioré voyait aussi sur la baie 2 la prédication de saint Anselme en faveur de l’Immaculée Conception.
A Maizières-lès-Brienne, un bombardement en 1944 a détruit presque totalement la baie 3 représentant la
Genèse: par chance, on peut retrouver ce vitrail dans son état antérieur grâce à la photographie de Paul Biver
reproduite dans le Corpus Vitrearum. Ce qui a été détruit ressemble fort à d’autres vitraux aubois.
Église Saint-Julien
de
Maizières-lès-Brienne
Aube
Baie 3
Tympan
Mais dans le tympan de l’église Saint-Julien, on retrouve la Vierge rédemptrice.
Enfin, dans l’église de l’Assomption de Javernant, on peut voir, sans difficulté, dans un fragment une partie
de Vierge rédemptrice.
Baie 0
Église de l’Assomption
de
Javernant
Aube
Les églises où la Genèse est orientée vers le culte marial
Notre voyage dans les vitraux qui représentent la Genèse et la Rédemption par le Christ (ou par la Vierge
Marie) nous a conduit à rencontrer souvent des serpents tentateurs aux allures féminines et dotés d’ailes.
C’est en suivant la trace de ces tentatrices ailées que j’ai pu accéder aux textes qui inspirent, au gré du
temps, ces vitraux.